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Johan Hufnagel, l'auto-critique comme éthique - Bondy Blog
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« Il y a toujours un syndrome de l’imposteur qui demeure, surtout lorsqu’on n’a pas fait d’école ».

Pourtant, Johan Hufnagel est titulaire indiscutable d’une pratique et d’une éthique du métier qu’il s’évertue à appliquer tous les jours, celui de journaliste. Il recueille, recoupe, réfléchit, compare, entreprend. Il doute aussi. C’est le sens du récit qu’il délivre ce samedi 18 mai 2019 lors de la Masterclass mensuelle du Bondy Blog. En une heure, il condense son parcours riche d’interrogations professionnelles mais, avant tout, très humaines.

Son premier aveu apparaît donc surprenant, lui qui, désormais à la tête de Loopsider, un média vidéo au format pensé pour l’information sur les réseaux sociaux, a intrinsèquement lié son aspiration et sa connaissance du métier à l’histoire du journal Libération. « C’était d’ailleurs ce que je voulais faire plus jeune : journaliste à Libération ». Elève moyen mais militant de gauche actif à SOS Racisme puis à l’UNEF, mordu d’histoire et des articles de Sorj Chalendon  (grand reporter et plume incontournable du quotidien), il ratera par deux fois le concours du CFJ. Par des cercles militants, il approche tout de même le directeur des ressources humaines de Libé et lui confiera ce rêve de gosse. Pris en stage un mois au service politique. Il quittera le journal à 38 ans.

C’est là qu’il s’y forme et prend goût à l’infographie. La guerre du Koweit au début des années 90 est une guerre sans image. « Il fallait donc opter pour une nouvelle compréhension du monde, que le lecteur sache placer les pays sur une carte. Je suis devenu chargé d’infographie, c’était un boulot qui n’existait pas avant ». Il y prend goût et développe une certitude : l’image peut être une information qui parle. On peut se détacher des mots.

Non sans en rire, il raconte l’introduction de la technologie dans la production d’un journal, l’arrivée des premières adresses courriel personnalisées. A la fin de l’année 1997, il obtient de Serge July de passer à la rédaction web et couvre le Mondial de foot l’été suivant. « On a vu les connexions exploser, se souvient-il. Après la finale, on a atteint 15 000 visites, ce qui était dingue à l’époque ». Déjà, il sent le vent tourner : « Beaucoup de journalistes n’ont pas vu arriver Internet, alors que cela a complètement bouleversé nos métiers. J’ai vu un peu de déni chez mes consœurs et mes confrères ».

J’ai voulu créer une nouvelle génération de journalistes

De Libération, Johan Hufnagel parle viscéralement. « C’est un journal dans lequel on a une grande liberté, tant pour gérer les rapports humains que pour écrire ses papiers, dit-il. Les gens y bossent comme des fous. Ça a été un drame pour beaucoup lorsqu’on a dû déménager de nos locaux rue Béranger. C’est une expérience particulière de passer par Libération ». De retour en tant que directeur des éditions en 2014, il évoque avec difficulté le plan social qu’il a dû contribuer à appliquer : « Je me suis posé la question de rester ou pas. C’était compliqué, mais je suis resté. Pendant 3 ans, j’ai voulu créer une nouvelle génération de journalistes ». Parce qu’il y croit, à cela, à la formation, l’apprentissage, la cohésion.

C’est d’ailleurs ce qui a rendu son passage à 20 Minutes difficile. Il se confie : « J’avais construit une équipe géniale puis je me retrouve limogé à l’américaine pour un désaccord profond avec la direction ». La co-fondation de Slate.fr sera plus heureuse et étoffe sa propension à relever les défis. « Il fallait que cela corresponde à une culture plus urbaine, dynamique, tant sur le fond et la forme, se souvient-il. C’est un journal jeune, populaire. De plus, Slate.com était une référence dans le pure player ». En revanche, il évoque le lancement de Slate Afrique comme une erreur. « Avec le recul, ce n’était pas opportun. L’Afrique est un immense continent, davantage tourné vers des problématiques très locales. Le marché des lecteurs n’était pas mûr pour créer un tel journal panafricain. Cependant, on a eu le nez creux. On l’a lancé le lendemain du départ de Ben Ali, puis se sont enchaînés les événements du Printemps arabe ».

Il reconnaît aussi une remise en question fondamentale de sa profession en 2005, lors des émeutes des banlieues françaises suite à la mort de Zyed Benna et Bouna Traoré. A ce moment-là, « on est conscients du problème, assure-t-il. Mais aucun de nous n’habite en banlieue, on ne voit pas les choses venir. A Libération, qui est censé être un journal populaire, on se regarde tous et on constate qu’on se ressemble ». Et le décalage lui claque à la figure : « Cela me restera toujours dans un coin de la tête. Avec la création du Bondy Blog, on se prend une leçon de journalisme par des Suisses, alors que les événements se passaient chez nous. Des mecs se pointent et dynamitent une version fermée du journalisme ».

Loopsider, sa nouvelle aventure

La rhétorique tourne dans sa tête et ne le quittera pas. « Comment parler aux gens, sociologiquement et horizontalement ? Comment créer de la diversité dans les écoles ? Les rédactions ? C’est un problème structurel. Le Bondy Blog a permis de mettre en valeur un nouveau vivier de journalistes. La diversité doit être une préoccupation de tous les instants ».

C’est toujours cette quête de diversité qui le pousse à créer Loopsider, un média 100% réseaux sociaux, fin 2017. Repartir d’une page blanche, imaginer un concept novateur, construire une nouvelle équipe et mettre en lumière des journalistes spécialisés. Là encore, l’impératif est générationnel et touche la transformation de notre consommation de l’information : « Comment toucher les gens qui ne lisent plus les médias traditionnels ? On constate une désertification des kiosques, de la télévision et ça sera sûrement bientôt le tour des sites Internet. On est face à des jeunes qui regardent énormément d’images. Il faut donc intégrer des codes créatifs, avoir en tête Youtube, Netflix ou Instagram. Et enfin, il faut aller là où les gens s’informent pour faire notre boulot de journaliste : y placer une information vérifiée et d’intérêt public ». Direction, donc, les réseaux sociaux. « Oui, il faut aller là où les gens sont, car sinon on finit par ne s’adresser qu’à un public qui sera d’accord avec nous ».  

Lui qui a pu s’imaginer, à l’origine, grand reporter, a finalement trouvé son terrain d’exploration, illimité, sur lequel il continue de communiquer, s’engager et se questionner. « Il fut un moment où l’engagement, en tant que journaliste, était mal vu. Il fallait être neutre. Mais en quoi l’un n’irait pas avec l’autre » ?

Eugénie COSTA

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