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Le Club Dorothée fête ses 30 ans : vous reprendriez bien un peu de nostalgie ? - Bondy Blog
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Je vais vous parler d’un temps que les moins de 20 ans ne peuvent pas connaitre. TF1 en ce temps-là, c’était le Club Dorothée : une émission jeunesse qui a bercé les mercredis après-midi de tous les enfants des années 1980 ou peu s’en faut. Jusqu’à trente heures de programmes sur la chaîne la plus regardée d’Europe ! De 1987 à 1997, le Club Dorothée ne souffrait d’aucun rival sur le PAF : 60% de part d’audience tout public dans les bons jours avec des pics à 86%… Un siphon à « temps de cerveau disponible » pour reprendre les mots de l’ancien patron de TF1, Patrick Le Lay. De nos jours, seul Kim Jong-Un diffusé en boucle sur KCTV, la télévision publique de Corée du Nord, peut rivaliser avec la performance.

Un succès inexplicable : des chaussettes jaunes à petits pois, un rire de sirène d’alerte incendie et deux musiciens ressemblant à des acteurs de film porno !

Les raisons d’un tel succès ? Inexplicables selon mon point de vue. Allez trouver une chaîne de télévision aujourd’hui en lui proposant un concept d’émission basé sur une animatrice dont les principaux atouts semblent être son grand nez et… ses chaussettes jaunes à petit pois. Cette dernière est épaulée par une copine au rire de sirène…d’alerte incendie ! Complétez le casting avec un barbu en guitare, un présentateur anglais et un mec surexcité qui s’appelle Jacky. Sans compter cinq musiciens (paix à vos âmes René et Framboisier) baptisés « Les Musclés » dont au moins deux ressemblent à des acteurs de film porno. Une bande de copains censée meubler l’antenne entre deux dessins animés importés d’un pays de l’autre bout de la planète. Proposez ça à une chaîne, vous dis-je, avec en plus les jeux de L’A, B, C et du Splitch Splatch Splotch Vlan et le rendez-vous de l’été Sahara le dromadaire extraterrestre, et soyez sûrs qu’on vous lâchera les dobermans de la sécurité au derrière.

L’avant-garde audiovisuelle des Japonais

Pourtant Jean-Luc Azoulay, producteur de l’émission, l’a fait. Les génies c’est comme les cons : ça ose tout. Pour comprendre les rouages qui ont fait la réussite de son bébé, je ne saurais trop vous conseiller de visionner « Génération Dorothée », excellent documentaire de Ludovic Lestavel qui retrace toute l’histoire de cette success-story.

Pourtant, quand l’émission commença à la rentrée 1987, je n’avais pas tout de suite adhéré au concept. Surtout, Dorothée et sa bande devaient faire leur trou face à une concurrence féroce. J’étais un inconditionnel de Youpi l’école est finie, diffusée sur la 5 de Berlusconi. Une suite ininterrompue de dessins animés japonais dès la sortie des classes. Depuis 1983 sur Récré A2, la série X-or mettait en scène un shérif de l’espace officiant également au pays du Soleil levant. Sans compter les légendaires Bioman sur la toute nouvelle Canal +.

A l’époque, la France c’était le Mc Do : les gens venaient comme ils étaient. On nous servait des héros japonais, malgré les craintes qu’inspirait ce pays qui semblait – avant la crise de 1989 – prédestiné à détrôner les Etats-Unis comme première puissance économique mondiale. Le « péril jaune » c’était le Japon, depuis sa victoire sur les Russes en 1905, comme on disait. L’avant-garde audiovisuelle d’un pays à l’insolente prospérité et dont les productions commençaient tout juste à scotcher les petits enfants européens devant leur télé, ceux à l’ouest du rideau de fer tout du moins.

D’ailleurs, les Américains, qui ont également importé les Force Rouge, Force Bleu et Force verte nippons, ont fait retourner dans leurs studios toutes les scènes où les acteurs ne sont pas costumés, pour « blanchir » les Power Rangers. Exceptés Force Jaune et Force Noir, systématiquement joués par l’Asiatique et le bon pote noir de la bande.

Le chevalier de la Licorne : la honte de l’Algérie !

Jean-Luc Azoulay, malgré les avertissements de quelques copains, ne voulait pas de ça. Il pensait que ses programmes étaient assez bons pour que les petits téléspectateurs n’aient aucun mal à s’identifier à des acteurs aux yeux en amande. Et finalement, pourquoi perdre de l’argent à retourner des scènes quand on peut le mettre dans des génériques qui trotteront dans les têtes des gens, trente ans plus tard? C’était bien senti. Quand j’ai revu Kenji Oba, l’acteur de X-Or en 2003 dans Kill Bill, je ressentais la joie du petit neveu qui revoyait son oncle d’Amérique en exil depuis des lustres.

Je suis devenu un fidèle du Club Dorothée avec les Chevaliers du Zodiaque. Pendant les premiers épisodes du tournoi galactique, j’étais à fond derrière le chevalier de la Licorne qui a récupéré son armure en s’entrainant à Oran en Algérie. Il n’avait rien appris de son séjour au pays des Imazighen, les hommes libres. Si je pouvais passer outre sa défaite face à un chevalier tout de rose vêtu, ce type se mettait à quatre pattes devant la princesse Saori et ça, aucun Algérien digne de ce nom ne l’aurait fait !

Le Club Dorothée était un rendez-vous inconditionnel. Je sais que beaucoup d’élèves séchaient les cours le mercredi matin, leurs parents n’ayant pas les compétences techniques pour programmer, sur le magnétoscope VHS, l’enregistrement de l’épisode de Dragon Ball Z ! Le phénomène mondial est toujours diffusé de nos jours mais insulté par la 20th Century qui en a fait un navet absolu… juste derrière Vercingétorix.

Les années 1990, une autre époque

Mais DBZ, c’était aussi mon pire souvenir d’été. 1995, l’antenne parabolique venait juste d’être installée sur le toit de la maison au bled. Je pouvais enfin regarder le Club Dorothée sur la terre des ancêtres. Ça changeait des documentaires animaliers diffusés en boucle sur la chaine nationale. Je savourais l’épisode le plus important de la série, celui où Sangoku se transforme en Super guerrier de l’espace après avoir vu son meilleur ami tué par Freezer, le destructeur de sa planète natale. J’attendais de voir sa colère exploser depuis deux rediffusions. Recommencer la série depuis le début au moment fatidique, une des mauvaises habitudes du Club. A l’époque je n’avais pas pu profiter de ce grand moment. Ma grand-mère, pour qui un homme, un vrai, trait les vaches et ne perd pas son temps devant la télé, m’envoya alors tâter les tétons de Blanchette. Ses cinq litres de lait me firent manquer l’image qu’Akira Toriyama se faisait d’un homme qui se transforme en super guerrier : un blond aux yeux bleus. 50 ans après la fin de la Seconde guerre mondiale, cela avait fait jaser dans les chaumières. Inutilement. « Je lui ai donné des cheveux blonds pour que mon assistant ait moins de travail. Il passait énormément de temps à noircir les cheveux de Goku à l’encre et ça n’était pas évident pour lui », déclara le papa de Dragon Ball.

Eté 1995 toujours. Tous les enfants d’Algérie découvrent Israël grâce à Dorothée Vacances, qui chaque été, se délocalisait dans une contrée étrangère. Israël, un Etat qui n’existe pas là-bas puisque non reconnu tant que les Palestiniens n’auront pas le leur. Mais l’actualité de l’époque se prêtait bien à cette grande aventure. C’était un temps d’optimisme. Nelson Mandela avait été élu président d’Afrique du Sud un an plus tôt et Yasser Arafat avait serré la main d’Yitzhak Rabin en 1993 à Oslo. Si tendre madeleine, cher Proust…

Il y avait des dessins animés pour fille au Club Dorothée, totalement « girly » avec fond rose, fleurs bleues et papillons. Aucun garçon digne de son caleçon n’aurait avoué les regarder. Sauf ce jour où toute l’école assista au combat entre Saïd et Bertrand à la fin des cours. Deux bons combattants mais il n’y eut pas une seule gifle donnée ce jour-là. À cause de moi. J’avais soufflé à un voisin dans l’assistance qu’il fallait que ça finît vite, le dernier épisode de Sailor Moon était sur le point de commencer sur le Club Dorothée. La nouvelle se répandit comme une trainée de poudre dans la foule. Tout le monde quitta alors la bagarre en courant chez lui dans toutes les directions, les deux pugilistes y allant aussi en s’échangeant leurs goûters et leurs pronostiques pour ce final consacré à la guerrière de la Lune !

Deux mois après l’arrêt du Club Dorothée, déjà la nostalgie

En 1997, le Club Dorothée s’arrêta net, TF1 ne voulant pas nourrir un concurrent qui venait de lancer sa chaine AB sur le satellite. Comme Jacky, je pense que l’émission s’était arrêtée au bon moment. « Il ne fallait pas faire l’année de trop », raconte-t-il dans Génération Dorothée. N’est pas Drucker qui veut. Nous étions des adolescents et le Club Dorothée était devenu un chouïa ringard. On lui préférait Hartley, cœur à vif, série australienne pour ados parce que les acteurs étaient moches et avaient des boutons comme la majorité des Bondynois de cette époque.

Mais deux mois après l’arrêt du Club Dorothée, déjà la nostalgie parlait. Assis au fond d’une obscure salle de classe, dans la grisaille du mois de novembre avec mon copain Wang, nous nous remémorions les meilleurs moments de cette émission phare. Nous avions dressé une liste des dessins animés qui avaient bercé notre enfance. On en avait compté 136, presque tous japonais, exceptées quelques excellentes productions françaises. On riait de ce temps béni où des petits personnages animés nous avaient enseigné que seule la beauté intérieure comptait sur cette Terre.

Idir HOCINI

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