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« On est torturés, on est humiliés » : 44 sans-papiers en grève de la faim au CRA de Vincennes - Bondy Blog
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Ils n’ont commis aucun délit mais ils vivent enfermés, retenus dans des centres de rétention, les fameux CRA, « où les douches sont dégueulasses et où la bouffe est immonde. » Plusieurs dizaines de sans-papiers du CRA de Vincennes ont donc choisi de se mobiliser, comme ils l’affirment dans un appel publié le 3 janvier et relayé par le blog « A bas les CRA ! ». Quarante-quatre d’entre eux, selon nos informations, ont même commencé une grève de la faim pour alerter sur leurs conditions de vie.

 “Il y a eu des copains (retenus) tabassés puis déportés en étant casqué, bâillonné et scotché, écrivent-ils. Il y a eu des copains drogués qui se sont réveillés de retour dans un pays où ils ne connaissaient plus grand monde. On a tous une histoire différente, qu’on soit travailleur, étudiant depuis peu en France ou vivant ici depuis presque 20 ans. Et on a tous le droit de vivre ici, où on a nos attaches. Mais nous sommes enfermés dans ce centre de rétention. Lundi dernier, une soixantaine de personnes s’est réunie devant le CRA de Vincennes pour crier leur solidarité avec les grévistes de la faim. « On mange rien, on ne fait rien, mais on ne voit rien (changer) », dit au Bondy Blog Nyang, gréviste au CRA 2.

Chaque année, environ 50 000 étrangers en France sont enfermés dans ce type de centres.  La loi “asile et immigration” permet, depuis le 1er janvier dernier, de prolonger cet enfermement, dont la durée maximale est passée de 45 à 90 jours. Cependant, certains passent plus de temps enfermés, car si non expulsés et libérés au terme de leur rétention, certains sont mis en garde à vue avant d’être retenus à nouveau ou même mis en prison. Ainsi, dans un témoignage publié sur le blog « A Bas les CRA! » le 14 décembre 2018, H. raconte comment, après 45 jours de CRA, il a été placé en garde à vue et replacé en CRA, puis emprisonné, pour un total de 3 mois et 6 jours d’enfermement à la date du témoignage.

On est torturés, on est humiliés, il n’y a pas de droits de l’homme ici

L’histoire d’H. est loin d’être exceptionnelle. Le 8 janvier, la grève s’est étendue à Mesnil Amenot (Seine-et-Marne), où les retenus dénoncent, entre autres, “ce qu’on appelle la double peine : condamnés à de la prison et à leur sortie directement ramenés en centre de rétention”, ce que subissent “plein de gens.” Il est rapporté qu’une prisonnière a “été violée par un policier avant les fêtes de fin d’année” et que “rien n’a été fait pour elle.” Les conditions sanitaires et l’arbitraire policier sont aussi décriés. Le 11 janvier au matin, c’est à Oissel (Seine-Maritime) que trente personne ont rejoint le mouvement. Le 30 décembre dernier, des retenus de Oissel sonnaient l’alarme sur le mauvais état du CRA, la “torture physique et morale” infligée par les policiers et demandaient la fermeture du centre, entre autres.

Le Bondy Blog a obtenu le témoignage d’Abdou (son prénom a été modifié, à sa demande et « par peur des représailles« ), retenu au CRA 3 de Vincennes. « On est torturés, on est humiliés, il n’y a pas de droits de l’homme ici. Chaque jour, on vit dans le stress, raconte-t-il. Des gens sont frappés, mis dans des chambres sans que personne ne soit au courant, on est sous pression. […] On est dans le 12e arrondissement de Paris. Pourtant, on dirait qu’on n’est pas en France.” Lui aussi évoque les conditions de vie, d’hygiène et de sécurité : “On ne peut pas même rentrer dans les toilettes, il y a de l’excrément partout, partout, partout. Ils disent qu’ils nettoient matin et soir mais ils ne viennent qu’une seule fois par semaine,. […] C’est invivable, l’odeur partout.” La nourriture ? “Tout est cuit dans l’eau. (…) On ne touche qu’aux entrées. Les plats chauds et tout le reste, c’est immangeable. »

Les problèmes en CRA en France ne sont pas nouveaux. En 2008 à Vincennes, le CRA est parti en flammes après la mort de Salem Essouli, un sans-papiers enfermé. Essouli suivait un traitement médical, matin et soir pour prévenir des crises cardiaques. Des témoignages rapportent que le soir avant sa mort, “il tremblait beaucoup, il se sentait malade. […] Il demandait des médicaments et on ne voulait pas lui en donner.” Il meurt dans la nuit des suites d’une asphyxie et de problèmes respiratoires aigus. Des retenus mettent le feu au centre le lendemain.La mort de Salem Essouli ne trouvera jamais de coupable.

La France championne d’Europe… de l’enfermement des étrangers

A travers la France, des manifestations à l’intérieur et l’extérieur des CRA éclatent régulièrement. En 2018 seulement, des grèves de la faim et manifestations à l’intérieur comme à l’extérieur des CRA ont éclaté à Rennes à plusieurs reprises cet été, à Marseille en août, à Sète en juin 2018. Des protestations qui couvrent une réalité générale de traitements abusifs, violations des droits, conditions déplorables, incertitudes quand à la finalité de l’enfermement, entre autres. La Cimade a recensé quelques uns de ces témoignages dans un fil Twitter.

En 2017, un rapport des six associations intervenant dans les CRA dresse un constat accablant : “La France est de loin le pays de l’Union européenne qui enferme le plus de personnes étrangères au seul motif qu’elles ne peuvent pas présenter le bon papier au bon moment lors d’un contrôle de police.” Le rapport pointe les illégalités des enfermements, les renvois de ressortissants de pays en guerre (Syrie, Soudan, Irak, Erythrée, Afghanistan), des violations des droits plus fréquentes et la détention de plus en plus fréquente d’enfants, entre autres.

La situation est en passe de s’aggraver : depuis le 1er janvier 2019, de nouvelles mesures de la nouvelle loi asile et immigration accentuent la logique de rétention au nom d’un politique d’efficacité : retenir plus pour expulser plus, en somme. Mais la Cimade conteste ces chiffres. Les travaux de l’association tendent même à prouver que l’augmentation du temps de rétention n’augmente pas le taux d’expulsés, provoquant même parfois l’effet inverse. La France ne fait donc qu’accentuer la privation des libertés et la violence pénitentiaire contre les sans-papiers, bien qu’ils n’aient commis aucun délit, dans l’indifférence générale.

Arno PEDRAM

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