En arrivant sur place, c’est une ambiance animée et chaleureuse qui nous accueille. La file d’attente a beau être imposante, elle n’en reste pas moins très homogène. Sans grande surprise, on trouve une majorité de jeunes femmes âgées de 16 à 25 ans environ. Bandanas, pantalons treillis, crop tops, shorts en jean… elles sont toutes habillées et maquillées à la mode américaine d’aujourd’hui (c’est-à-dire la mode des années 90). Bien sûr, les maquillages et les coiffures sont également on fleek. Ce soir-là, Paris n’avait rien à envier aux rues de New York ou de Los Angeles.
Celle qui chuchotait à l’oreille des jeunes femmes noires françaises
Ce qui aurait pu n’être qu’un détail pour certains est cependant important aux yeux des fans qui patientent : elles sont presque toutes noires. « Ça me fait plaisir de ne voir que des femmes noires, j’avais peur que ce concert se transforme en repère de kikoolol du 16e (arrondissement, ndlr) qui se réapproprient le truc », s’exclame une jeune femme à côté de nous. « Mais ouais, grave ! », embrayent en chœur ses amies. Cette forte concentration de femmes noires et ces paroles ne sont pas le fruit du hasard.
Comme l’explique Amy, future étudiante de 18 ans au look coloré et teenager, « Megan représente positivement la femme noire ». Des propos qui donneraient de l’urticaire à n’importe quel sexiste mais qui n’en restent pas moins tout à fait pertinents. Même discours chez Alexandra, étudiante en 3ème année de licence : « Je m’identifie facilement à elle ! Elle est jeune, elle a un corps naturel, elle a des grosses cuisses comme moi… et en plus elle va à la fac ! »
Voilà donc le secret de la jeune rappeuse texane : elle représente toutes ces femmes noires aux multiples facettes. Des jeunes femmes noires comme elle, qui assument leur sexualité et en parlent sans langue de bois, studieuses, il y en a des millions. Amy, par exemple, intègre à la rentrée l’ESSEC, une des plus grandes écoles de commerce en France. Un parcours loin d’être unique en son genre. Et pourtant… Dans l’imaginaire commun, la femme noire est soit ghetto soit hypersexuelle – et ça s’arrête là.
On comprend facilement que Megan répond à un manque de représentation : sur la scène musicale francophone, des artistes comme elle, il y en a peu (voire pas). Au sommet se trouve en effet Aya Nakamura, mais son personnage n’est pas aussi décomplexé et accessible que celui de Megan. Il y a aussi Shay, la célèbre rappeuse belge. Avec un style plus audacieux qu’Aya tant au niveau vestimentaire que musical, elle paraît plus authentique que cette dernière. Cela étant, l’artiste répond aux canons de beauté en vigueur et les jeunes fans de Megan pensent qu’elle reste connue pour son personnage avant tout, ce qui la rend moins multidimensionnelle que la rappeuse américaine.
A elle seule, Megan semble résoudre tous les problèmes cités : en plus de paraître accessible, elle est autant appréciée pour sa musique que son personnage. Pour faire court, « c’est une femme qui s’assume et qui donne aux autres femmes l’envie de s’assumer », comme le résume si bien Amy. Quelle femme.
Un concert placé sous le signe de la chaleur humaine
Après toutes ces louanges, il nous tardait de voir la jeune rappeuse en vrai. Heureusement que la première partie nous a aidé à prendre notre mal en patience. Dans une ambiance boîte de nuit, les DJs Deejay Yaw et Carla Genus ont fait danser toute la salle pendant près d’une heure : Cardi B, City Girls, Yo Gotti… Le gratin du rap américain était réuni (il y avait quelques chansons françaises aussi, quand même). Afin de faire grimper la température de quelques degrés, DJ Titai les a rejoints au bout d’environ 30 minutes. Faisant office de MC, il a animé le « strip club show » de Hip Hop Loves Soul. Personne ne s’est déshabillé.e entièrement – rassurez-vous – mais le public a quand même eu droit à une longue séance de twerk endiablée. Il y avait d’abord une danseuse venue spécialement pour l’occasion, mais l’ambiance était tellement bon enfant qu’une spectatrice l’a rapidement rejointe. Même si, vers la fin, le temps se faisait long, on doit admettre que cette première partie nous a bien amusé.e.s.
Après environ 10 minutes d’attente, Megan Thee Stallion a fait son entrée sous des hurlements à n’en plus finir. Représentant Houston, sa ville natale, elle portait un chapeau de cow-boy argenté orné de strass assorti à un ensemble deux pièces et des mitaines tout aussi clinquants. Baskets Gucci aux pieds, elle a d’emblée enflammé la scène – et ce pendant une heure. Pour ne perdre personne, elle a surtout interprété les chansons qui l’ont fait connaître : « Big Ole Freak », « Freak Nasty », « Neva », « Tina Montana » et, bien entendu, quelques extraits de son dernier album tels que « W.A.B » ou « Simon Says ».
Voulant se montrer proche de ses fans, elle n’a pas hésité à saisir une dizaine de téléphones dans la foule pour se filmer avec. Les plus chanceux.ses restent cependant ceux et celles que la rappeuse a fait monter sur scène. Ainsi, une bonne quinzaine de fans ont pu profiter de la deuxième moitié du concert pour danser avec elle sur ses plus grands tubes. L’amusement était donc au rendez-vous, mais la rappeuse n’a pas perdu de vue l’essentiel pour autant. Entre deux chansons, celle qui se nomme « l’étalon » l’a fait à la Nicki Minaj : elle dédicace les hotties (nom qu’elle donne à ses fans) indépendant.e.s, ainsi que ceux et celles qui poursuivent leurs études. Allier l’utile à l’agréable, voilà un savoir-faire à ajouter à la liste de ses talents.
A la fin de sa dernière chanson, la jeune femme remercie rapidement son public parisien et s’éclipse en backstage. En sortant de la Bellevilloise, on en conclut que, dans l’ensemble, c’était un bon concert et que l’ambiance y était pour beaucoup. On espère que ses fans en ont bien profité ; vu comme cette étoile montante gagne en notoriété dans le monde entier, ils n’auront bientôt plus l’occasion de lui donner leur téléphone, encore moins de twerker sur elle sur scène.
Sylsphée BERTILI
Crédit photo : SB / Bondy Blog