Le projet du lycée situé au Bourget est né de l’expérience de terrain d’un groupe d’enseignants et d’une proviseure, ancrés en Seine Saint-Denis, dans des établissements dits « sensibles ». Ils constatent que la plupart des difficultés rencontrées par les professeurs comme par les élèves provient de la fragmentation de l’enseignement et du manque de cohésion de l’équipe enseignante.
Le lycée Germaine Tillion ouvre ses portes en 2014 et propose donc à ses élèves une offre scolaire exigeante et un climat de travail bienveillant. Les conditions d’apprentissage et d’accompagnement y sont exceptionnels, grâce notamment aux programmes interdisciplinaires co-animés, à des pratiques d’évaluation constructives, et à un suivi des élèves individualisé.
Cet établissement constitue une véritable vitrine du rectorat
L’ensemble des professeurs se réunit une fois par semaine sur leurs heures de service pour faire le point sur les dispositifs mis en place et les projets à venir.
Marianne, professeur d’histoire explique : « cet établissement constitue une véritable vitrine du rectorat pour montrer que le département s’investit dans des initiatives progressistes, en ce moment il fait même l’objet d’une enquête de chercheurs de l’Institut Français pour l’Education ».
Des revendications négligées par le Rectorat
Cependant, tout n’est pas rose au lycée Germaine Tillion. Depuis plusieurs mois l’équipe éducative porte plusieurs revendications et réclame un ajustement de personnels notamment au niveau de l’équipe médico-sociale. En effet le lycée ne compte qu’une assistante sociale à mi-temps et un infirmier à mi-temps également pour plus de 750 élèves.
Par ailleurs, même si l’établissement bénéficie d’un climat scolaire particulièrement apaisé pour le secteur, les surveillants sont trop peu nombreux pour assurer la sécurité des élèves (1 pour 150).
Les professeurs réclament également pour eux-mêmes une augmentation de la dotation globale horaire de 25h pour poursuivre leurs enseignements de qualité tout en répondant aux nouvelles directives de la réforme Blanquer qui exigent un accompagnement plus accru de l’orientation des élèves. La réforme prévoit en effet une suppression des filières L, S et ES, au profit d’un tronc commun auquel viennent s’ajouter trois matières de spécialité que les élèves doivent choisir entre douze. Parmi lesquelles « numérique et sciences informatiques » ou encore « humanités, littérature et philosophie ».
Sur ce point, une professeure d’anglais fait part de son point de vue : « ils sont en train de faire basculer toute la construction post-bac sur les années lycée mais ils ne nous donnent pas de moyens en plus, ça ne peut pas marcher ». Elle ajoute : « sans compter que ces nouvelles mesures creusent les inégalités de territoires »
En effet, les familles précaires, nombreuses dans le département, ne détiennent pas certains codes pour conseiller efficacement leurs enfants dans le choix de leur orientation et de ces fameuses « matières de spécialité ». Et si ce travail n’est pas correctement investi par la fonction publique, de plus en plus d’élèves risquent de se retrouver sur le carreau, en ayant pris des trajectoires peu adaptées.
On est des professeurs hyper impliqués et c’est comme ça qu’on nous remercie, on se sent sabotés
Après qu’une délégation s’est rendue au rectorat le 17 avril dernier avec l’impression pourtant d’être entendue, aucune des revendications n’avait été prise en compte en cette rentrée 2019. Et pour couronner le tout, l’équipe pédagogique a découvert en réinvestissant ses fonctions que le poste d’assistante sociale n’était pas du tout pourvu.
Une amère sensation de sabotage
En constatant cette négligence, vécue comme un affront supplémentaire en ces temps de turbulences dans l’Education Nationale, les professeurs se sont réunis en AG pour décider la grève dès le lundi matin, pour toute la journée et reconduite le lendemain.
Interrogé sur le parvis du lycée, un professeur de SES exprime sa frustration : « on est des professeurs hyper impliqués et c’est comme ça qu’on nous remercie, on se sent sabotés. C’est très frustrant d’accueillir les élèves dans ces conditions mais c’est inévitable »
Sans nouvelle du rectorat, les professeurs ont voté le nouvellement de la mobilisation et ce n’est que mardi soir sur les coups de 18h qu’une nouvelle audience a été proposée et acceptée.
Celle-ci se tiendra le 10 septembre. En attendant, les cours ont repris au lycée Germaine Tillion mais la situation reste « en suspens ». C’est ce qu’on peut lire sur toutes les lèvres, comme une menace discrète.
Sarah BELHADI