Ce lundi matin, ils sont une quarantaine de professeurs, réunis devant le lycée Lucie-Aubrac à Pantin et bien décidé à ne pas pénétrer dans l’établissement. Le blues du lundi matin ? Pas vraiment, ou alors sa version la plus revendicative. Les récalcitrants sont là en effet pour dire stop aux lois Blanquer, et pas n’importe quel jour : celui du début du baccalauréat. Eux sont déterminés. Ils feront la grève de la surveillance et n’encadreront donc pas les épreuves. Malgré l’enjeu, l’ambiance est chaleureuse et bon enfant. Des sourires ne tardent pas à apparaître sur les visages. Des médias sont là, les caméras de BFMTV et M6, notamment.
Sur la porte d’entrée du lycée, des banderoles sont accrochées, comme celle-là : « A ceux qui veulent casser l’éducation, l’éducation répond résistance ! ». Le collectif éducation Montreuil Bagnolet, des professeurs du lycée Marcellin Berthelot et du collège Jean-Jaurès de Pantin, ainsi que des représentants des stylos rouges sont présents. Deux d’entre eux se mettent, mégaphones à la main, à entonner un chant pour galvaniser leurs collègues : « Même si Blanquer ne veut pas, nous, on est là ! On ne laissera pas détruire l’école du service public ! » Certains de leurs homologues reprennent la chanson en coeur. Quelques lycéens observent la scène, mais n’y prêtent que peu d’attention, avant de rentrer dans le lycée pour passer leur épreuve de français ou de philosophie.
Le déroulement des épreuves perturbé mais pas menacé
Tout juste mesure-t-on un poil d’inquiétude : et si cette grève nous empêchait de passer le bac, se disent les anxieux ? Pour éviter que non et pour casser la grève, la direction de l’établissement et le rectorat ont visiblement mis les bouchées doubles. Les professeurs recensent 30% de grévistes et une armada pour pallier leur absence : un service de sécurité de trois personnes, l’embauche de nombreux contractuels, la modification en urgence du planning des surveillants… Un enseignant assure même, dans certaines classes du lycée, le même professeur avait été chargé de surveiller deux salles à la fois !
L’école renforce les inégalités sociales et territoriales
Malgré une forte mobilisation depuis janvier, mais peu médiatisée, les enseignants peinent à se faire entendre du gouvernement. Pour Arnaud Fabre, 38 ans,professeur au collège Condorcet à Maisons-Alfort, la grève était nécessaire : « Des mouvements comme les stylos rouges se sont mis en place dès le mois de décembre, rappelle-t-il. Les organisations syndicales ont appelé très rapidement à des mobilisations cette année, vu l’état de l’éducation nationale. » Il déplore l’inaction du gouvernement : « Et malgré ces appels et ces demandes de négociations avec monsieur Blanquer, on n’a absolument rien obtenu. Par exemple, nous les stylos rouges et les organisations syndicales, avons été reçus, mais ce qui est extraordinaire, c’est que ce sont des concertations et pas des négociations. C’est un écran de fumée. »
Dans cette situation de tension, il évoque la difficulté de bien faire son travail : « Le plus compliqué, c’est l’exercice au quotidien de notre métier. Du coup, nous conditions de travail sont celles d’étude des enfants. On a eu une avalanche de contre-réformes qui transforment l’école en quelque chose qui renforce encore plus les inégalités sociales et territoriales. Toutes les décisions sont prises pour économiser des postes. »
Les stylos rouges sont là, les gilets jaunes aussi
Il y a quelques membres des gilets jaunes parmi les manifestants, mais seulement une est visible, les autres n’ont pas mis leur chasuble fluo. Il s’agit d’Emma Greiner, syndicaliste SNES-FSU, mais aussi conseillère principale d’éducation. Elle explique pourquoi les gilets jaunes soutiennent les professeurs : « On soutient la mobilisation contre la réforme Blanquer car c’est du même ordre que ce qui se passe au niveau du gouvernement aujourd’hui. La loi Travail sous Hollande, les urgences… Ce que le gouvernement veut, c’est réduire le service public. »
Les grévistes finissent par se mettre en cercle pour décider de la suite à donner au mouvement de grève. Une grande majorité d’entre eux soutiennent la reconduction. Voté ! La grève des corrections pour le brevet est même évoquée. Toutefois, un vote par établissement sera effectué à travers une AG, qui aura lieu à midi. Pendant ce temps-là, les élèves des filières technologiques avaient à plancher sur un sujet de philosophie parlant : les lois peuvent-elles faire notre bonheur ? Visiblement, pas celles de Jean-Michel Blanquer…
Hervé HINOPAY
Crédit photo : HH / Bondy Blog